Journal d'une désintox - jour 1

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facebook gagner du temps en décrochant des réseaux

Salut à toi,

Concept un peu bizarre, mais j'me suis dit que tenir mon journal de désintox à Facebook serait une activité enrichissante. L'idée m'est venue parce qu'à m'observer pendant cette première journée de bonnes résolutions, je vis une expérience intéressante et je voudrais la mettre en mots pour l'ancrer encore plus fort dans ma mémoire. 

Détox Facebook : c'est parti !

Alors, ce matin au réveil, je ne me suis pas souvenue tout de suite de ce défi fifou, en revanche je me suis souvenue de tout plein d'autres bonnes habitudes que j'essaye d'installer dans mon quotidien, la plus difficile à m'approprier étant celle de m'habiller même si je reste chez moi toute la journée, truc un peu dingue s'il en est, il faut bien l'avouer.

Bref, du coup je me suis levée, j'ai fait mon yoga, allumé un feu, nourri mes chevaux (ouais mec, alors qu'il faisait -1 degré Celsius) et seulement là je me suis fait un thé et j'ai pris mon livre du moment (La stratégie du choc de Naomi Klein - je t'en ai déjà parlé ; et là tu te dis "What ? Mais tu l'as pas encore fini ?!" eh bien non, c'est le genre de bouquin que je lis en plusieurs étapes tu vois, un peu raide d'encaisser 1000 pages de stratégies manipulatoires et de misère humaine instrumentalisée par les puissants sans faire des p'tites pauses de temps en temps, mon p'tit cœur supporte pas).

Bref, j'ai donc lu une demi-heure, comme j'essaye de le faire quotidiennement, mais rassure-toi, depuis tout ce temps je m'étais quand-même souvenue depuis belle lurette de mes engagements pris hier !

Qu'est-ce qu'on cherche sur les réseaux ?

Alors, comment je le vis ? On va pas se mentir... Pas ouf, mais en même temps c'est assez incroyable, je dois dire. Disons que ma détermination est bien là, intacte, hardie et vigoureuse, c'est pas la question. Non, c'est plutôt que je prends conscience, avec une acuité nouvelle, de la propension "réflexe" de mes envies de passer vite fait sur Facebook. 

Et c'est là que je commence à me régaler : je réalise que ces fringales sociales surviennent vraiment inopinément, dans des moments de temps mort, entre deux activités définies. Par exemple ce matin, quand j'ai reposé mon livre, je me suis dit que j'allais dessiner un peu ensuite, et à ce moment précis, cet instant où mon cerveau passe du mode "lecture" au mode "dessin", il y a un temps mort, un vide qui ne demande qu'à être comblé par un petit scroll fortuit, fugace, et surtout complètement inconscient. 

La tentation est donc là, je commence à distinguer les circonstances dans lesquelles elle survient, et vient ensuite le deuxième volet de la compréhension : qu'est-ce que je cherche, à ce moment là ? Pourquoi ai-je envie d'aller sur Facebook plutôt que me plonger directement dans le dessin ? Je suis arrivée à une première réponse née de l'observation, toujours. Là, j'analyse mes émotions, j'interroge cette petite voix satanique en moi qui me réclame un p'tit scroll, et je lui demande : 

- Salut petite merde, que veux-tu ?
- Scroller.
- Mais pourquoi ?
- Parce que je m'ennuie.
- T'es sérieuse ? Tu viens de bouffer 40 pages de Naomi Klein, tu crois pas que t'aurais mieux à faire que t'ennuyer après ça ? Surtout que j'viens de te dire qu'on va dessiner maintenant, tu vas devoir réfléchir, tout ça, tu veux pas kiffer une p'tite pause plutôt ?
- Nan, j'veux de l'interaction.
- Tu veux pas juste scroller du coup, tu veux liker et tout ?
- J'veux voir quelles interactions y'a eu depuis ma dernière visite, est-ce que des gens ont publié des nouveaux trucs, liké l'article, commenté, tout ça... J'veux des retours, quoi !

Bon ben on tient un début de réponse, là, il me semble ! Eh ouais, je viens d'identifier ce que je recherche sur Facebook : du lien, de l'interaction sociale, du ping-pong neuronal, du dialogue, de l'échange, de l'approbation. On avance. Bon, c'est pas une énorme révélation non plus, mais je ne pensais pas que ça surgirait aussi vite et surtout, que ce serait à ce point prépondérant. Parce qu'en dehors de ça, pour ainsi dire, il n'y a rien qui m'appelle à passer faire un tour sur Facebook. Les contenus ne me manquent pas, les nouvelles de mes amis non plus : je peux les joindre avec un truc incroyable qu'on appelle le téléphone, et même, en forçant un peu, avec un bout de papier, un crayon et un timbre, donc je ne me sens pas démunie à ce niveau-là. 

Du temps de cerveau disponible qui pointe le bout de son nez

Je poursuis ma journée, je dessine (teaser : y'a de la Bouline dans les tuyaux !), je mange, je vais causer à mes poules, bref, je fais ma vie normalement, et tout va plutôt bien. Reste que des démangeaisons scrollesques ne me laissent pas en paix, mais je les dompte de mieux en mieux au fil des heures, c'est assez chouette à expérimenter d'ailleurs. 

Je découvre que les moments de vide, qu'habituellement j'anéantis en scrollant machinalement, reprennent leurs droits et m'apportent une sérénité et une clarté d'esprit que j'ignorais avoir perdues. Je n'appellerais pas ça de l'ennui, c'est beaucoup plus agréable que cela : c'est de l'espace cérébral disponible. C'est-à-dire que ces temps morts redeviennent des bulles de créativité, d'introspection, d'intégration, d'apprentissage... Ces moments de pause dont le cerveau a besoin entre deux rushs pour s'approprier une expérience, articuler les choses entre elles, gymnastiquer avec ses propres outils et coordonner ces infos pour en faire un tout cohérent, cohésif. 

Un peu comme si chaque étape de la journée était un maillon d'une chaîne (la lecture = 1 maillon, le dessin = 1 maillon, etc) et qu'enfin, à nouveau, mon cerveau parvenait à les mettre en lien et à les ramifier jusqu'à en faire une chaîne ordonnée, solide, équilibrée et... utile ! Pour faire clair, j'ai le sentiment que mon cerveau parvient à tirer parti de chaque fragment de ma journée, là où avant, il faisait défiler les étapes sans les relier. La chaîne n'était jamais assemblée, et mes journées n'étaient qu'un tas de maillons en vrac. 

J'ai donc une satisfaction toute nouvelle à l'arrivée de ces moments de "vide", qui, heure après heure, ressemblent de plus en plus à des phases de synthèse et d'ordonnancement des derniers stimuli et expériences vécues. J'adore voir la mécanique du cerveau à l'œuvre dans ces intervalles : des ponts se construisent entre deux activités/tâches, les liens entre les choses se multiplient, et je peux déjà ressentir à quel point ça ouvre à nouveau le regard et la voie à une compréhension plus étendue, plus globale aussi. De fait, je n'ai aucune envie d'interrompre ces processus en "comblant le vide" bêtement avec un scroll.

C'était vraiment inattendu dès le premier jour, je pensais juste lutter pour ne pas me connecter et basta, et j'étais loin d'imaginer que ça aurait aussi rapidement des impacts palpables sur ma manière de regarder, ressentir, vivre ma journée. Finalement, je crois qu'elle va passer crème, cette désintox...

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