Facebook ou le génocide du neurone

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Salut l'ami,

Aujourd'hui, pfiouuu ! Vaste sujet ! J'vais t'écrire une tartine, j'te préviens. Tiens-toi prêt et branche bien ton cerveau, ça va swinguer.

Facebook nous rend stupides

J'me suis énervée toute seule ce matin, enfin non pas vraiment toute seule parce que j'en ai parlé à 2-3 amis, tellement ça m'a enragée. Tout a commencé il y a quelques années, quand je me suis inscrite sur Facebook. Haha ! Ben ouais, en fait j'vais te raconter comment je suis devenue con.

Plantage du décor du tableau du constat

L'autre jour, je relisais des vieux trucs que j'avais écrits y'a longtemps, et là j'me suis pris une claque monumentale : en me relisant, déjà je ne me souvenais absolument pas avoir écrit ces choses (donc déjà là j'me dis que ma mémoire va pas super), mais surtout, je trouvais que c'était vachement bien construit, comme pensée, et j'me suis rendue compte qu'aujourd'hui, quinze ans plus tard, je me sens incapable de structurer et d'exprimer aussi bien un sentiment, une théorie, une argumentation ou une opinion.

Partant de ce constat (un peu violent, tu imagines bien - je suis quand-même en train de me prendre dans la tronche que je suis plus con maintenant que quand j'avais 20 ans, aïe...), j'ai commencé à me demander comment un tel effondrement neuronal avait pu se produire, et il ne m'a pas fallu longtemps pour incriminer les réseaux sociaux. Ben oui : j'alimentais beaucoup mon blog avant d'avoir un compte sur Facebook, et c'est à partir du moment où je me suis "connectée à mes amis" que j'ai délaissé Kikekwa et par là même, la rédaction de mes articles (et donc, la construction et la structuration de mes pensées, coups de gueule, etc).

Qu'à cela ne tienne ! Un peu énervée, je me dis : "je vais supprimer mon compte Facebook !" et instantanément pointe alors le doux espoir de redevenir intelligente en quelques clics. Tu le vois venir : je me suis heurtée à l'immense mur (sans mauvais jeu de mots) de chaînes qui me relient à Facebook : garder le contact avec des amis, avoir accès à des contenus sympa, stocker des photos, partager des trucs marrants/sensés/intéressants/jolis à mes amis... Bref, deuxième claque en pleine face : je suis accro, ou du moins, enchaînée pieds et poings liés à ce réseau, et ça m'enraaaaage !!! (Tu notes comme j'assume moyen le terme "accro" vite remplacé).

À partir de là, tu me connais, j'ai commencé à cogiter : j'erre un moment de questionnements existentiels comme "il suffirait de deux clics pour être débarrassée de ce truc qui me pourrit la vie" en dilemmes comme "ouais mais si j'ai plus Facebook je vais plus voir les blagues pourries de mes potes", et je renonce à ma bonne résolution tout en augmentant d'un cran mon acceptation de la situation : je suis dépendante de ce truc, ils ont réussi, les salauds ! Mais je ne dis pas mon dernier mot pour autant, et ça, c'est grâce à un élément décisif qui aura eu raison de mon fatalisme.

Je flippe

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Depuis environ un mois, un mois et demi, j'ai la désagréable sensation que les algorithmes lisent dans mes pensées. Je m'explique : je regarde mon fil d'actualité et je vois, disons, une publication sur les yaourts (cet exemple est fictif, je n'ai jamais vu de publication sur les yaourts - mais ça pourrait bien changer... tu vas comprendre). De là me vient toute une réflexion très poussée du genre : "ouais moi j'aime bien les yaourts au citron, mais par-contre j'aime pas les yaourts avec la confiture au fond, et mes préférés ça reste quand-même ceux dans des pots en verre, parce que écolo un jour, écolo toujours". Et là hop, saut quantique dans ma tête et je repense à un article sur Greta Thunberg lu la veille dans une revue, et là encore un petit saut (de marelle, celui-là) et je repense à une manif où je m'étais rendue y'a dix-sept ans et demi pour gueuler contre un EPR.

Jusque là, tout va bien, t'es d'accord ? Bon, sauf que une demi-heure après cette errance lacto-écologiste, que vois-je en "publication suggérée" sur Facebook ? Une publication sur une association anti-nucléaire. Et là je ne peux pas m'empêcher de me dire : mais-bordel-ils-lisent-dans-mes-pensées-c'est-flippant.

Ce genre de situations se reproduit plusieurs fois, et tout ça commence à m'agacer passablement. Au point de vouloir à nouveau tout envoyer péter, mais je n'étais pas du tout décidée à me perdre à nouveau dans mes triturations existentielles dont je me souvenais parfaitement bien... et c'est donc ce matin que la révélation a eu lieu, parce qu'encore une fois, la suggestion Facebook me proposait une citation très en rapport avec mon sentiment du moment, qui disait : "on ne dit pas assez aux gens qu'ils nous emmerdent". Bon ok pas besoin d'un algorithme ultra-puissant pour me la suggérer, celle-là, mais quand-même... 

Et donc ça a donné ça :

1er mouvement : cette fois c'est la bonne, je suis en colère : je dégage de là !
... [Trituration existentielle] ...
2e mouvement : bon ok je reste mais je fais une détox d'un mois !
... [Trituration existentielle] ...
3e mouvement : bon ok je fais pas de détox mais... 

Et là, eurêka !

Je commence à identifier ce qui me retient à Facebook, et ce faisant, j'identifie aussi de plus en plus clairement ce qui me gonfle sur ce réseau. Et là mon p'tit pote, je suis partie en croisade, ça a duré tout l'aprem. Je vais te dérouler la réflexion née de tout ce merdier. Une sorte d'audit de ce qu'est Facebook et de la manière insidieuse dont ce truc a pris le contrôle de nos cerveaux.

Je suis saturée de vide

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Pour commencer, le concept du fil d'actualité, ou comment scroller à l'infini sature nos neurones et nous empêche d'être réceptif à tout apprentissage, court-circuite notre créativité et atrophie nos capacités de réflexion. 

Scroller, c'est absorber du contenu qu'on n'a pas demandé. C'est comme aller au restau, et se faire servir une pizza 4 fromages sans même avoir consulté la carte. Et si tu demandes au serveur pourquoi il t'a servi ça, il va te répondre que la dernière fois que tu es venu tu avais pris une pizza à la raclette, et que du coup il en a déduit que tu aimes le fromage et que la 4 fromages te plairait. Si ça tombe, tu venais juste pour un verre de vin et une planchette mais tant pis, tu vas te gaver de pizza et t'auras le dessert offert pour la peine (un tiramisu aux fruits rouges, vu que la dernière fois t'avais pris un cheesecake à la framboise).

Avant, au début de Facebook, tu scrollais et tu voyais les publications de tes amis. Et quand y'en avait plus, y'en avait plus, basta. Donc si comme moi t'avais pas beaucoup d'amis, Facebook t'y allais 5 minutes toutes les trois semaines et t'avais fait le tour du truc. C'est à cause des gens comme moi que ces bâtards ont commencé à implanter les contenus suggérés, la pub et tutti merdi. Et surtout, à choisir à ta place ce que tu vois dans ton fil d'actu !

Ils s'en foutent que tu veuilles connaître les dernières news de Jean-Michel, eux ils veulent que tu cliques, et que tu re-cliques, et que tu cliques encore. Alors ils te submergent de "shorts" et de "reels" (en vrai je sais pas ce que c'est un reel, je sais que ça existe c'est tout), des trucs qui durent même pas une minute, parce que plus c'est court plus ça te rapproche du prochain clic. Et tu te retrouves à mater des pigeons qui dansent autour d'un rat mort et tu enchaînes avec une patineuse qui se vautre, le tout en même pas 45 secondes, et tu trouves ça carrément normal, pire ! Tu n'es même pas conscient de si tu trouves ça normal ou pas. Bref. Faut savoir quand-même qu'au-delà de 20 minutes/jour passées devant un écran, un enfant développe des troubles du langage, son cerveau est saturé et n'est plus réceptif à l'apprentissage pour le reste de la journée. Et ça en étonne encore qu'on soit entouré de cons...

Je délègue ma pensée

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Un autre truc très encouragé sur Facebook, c'est le partage des publications. Ok, cool, je lis un truc qualitatif, je le partage pour en faire part à mes amis, l'idée est chouette : diffusion du savoir, tout ça. Mais alors à cela, j'objecte deux choses principales : 

- on a dit "diffusion du savoir", pas de la connerie ; 

- partager ce qu'on trouve pertinent, ok, mais enfin t'as vite fait de ne faire plus que ça et de déléguer ta pensée à d'autres plus habiles que toi pour l'exprimer [spoiler alert : plus tu feras ça, moins tu seras habile pour t'exprimer, CQFD]... Autrement dit, tu te casses plus les couettes à structurer une réflexion, y'a déjà des gens qui l'ont fait pour toi ! Bon, c'est paaaas... pas tout à fait pile poil ce que t'aurais dit toi, mais en gros c'est ça quoi, hop ! Partager ! Et voilà. Du prémâché, prédigéré, un clic et zou, je me veux le passeur d'une idée que je m'approprie, mais pour laquelle j'ai dépensé zéro énergie à la concevoir ou la formuler. Impeccab' !

Le souci avec ça, tu le vois venir, c'est qu'à force de déléguer comme ça, tu amoindris ta capacité à penser par toi-même. Comprendre = tu deviens de plus en plus con. Alors tant qu'il reste des gens intelligents qui pensent par eux-mêmes et qui s'expriment, ça va, tu partages leurs trucs intelligents et tu te sens intelligent. Mais comme tu partages sans penser par toi-même, tu ne tires aucun bénéfice de ce truc intelligent que tu viens de partager. Pire encore, tu affaiblis ton agilité intellectuelle. Quand on ne mange que de la bouillie et du pain de mie, on finit par perdre ses dents, et bien là c'est pareil. Dans la nature, tout ce qu'on ne sollicite pas s'atrophie. 

C'est un entonnoir de la connerie infini auquel tu contribues, avec au bout, l'enconnification de l'humanité tout entière. Il est donc plus que grand temps de se réapproprier sa pensée critique, sans quoi nos idées ne nous appartiennent plus puisqu'elles émanent d'autrui. Dans cette dynamique de délégation universelle de la pensée, le raisonnement de cet "autrui" est voué à s'appauvrir, et on se condamne alors à étioler sa propre réflexion et à la limiter à l'étendue de celle de cet "autre-de-plus-en-plus-con" auquel on la délègue... Et c'est comme ça que j'en arrive à me découvrir plus con aujourd'hui qu'il y a quinze ans.

Je pense encore un peu quand-même...

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Bon, heureusement tu peux quand-même encore exprimer des choses qui viennent de toi sur Facebook. Après tout, on n'a pas tous des talents de rédacteurs ou d'orateurs. Pour te sauver, au début il y avait le "J'aime", qui s'est étoffé depuis (contrairement à nos connexions intra-cerebellar) : depuis quelques années, on peut liker ou adorer ou grrr-er... autrement dit, réduire sa pensée à une émotion passagère et furtive. Ce qui est bien avec ça c'est que pour notre cerveau, une réaction (like, grrr ou autre) = un sujet traité, aussi superficiellement que ce soit, et on peut scroller au suivant ! Pas besoin de développer davantage, on a grrrr-é, on a fait le tour de la question. 

Avec ces réactions (si on s'en contente), on habitue juste notre cerveau à ne plus développer une réflexion construite et argumentée sur un sujet, mais bel et bien à exprimer une émotion (enfin pardon, sept). Alors au risque de te bousculer un peu, une émotion c'est différent d'une réflexion... Une émotion, c'est une réponse physiologique à quelque chose, ça n'est pas lié du tout à ton niveau d'intelligence ni à ta capacité à concevoir une pensée. Même le plus abruti des abrutis ressent des émotions, c'est universel. Du coup, nous inciter à réagir avec des émotions, c'est encore un moyen formidable de court-circuiter la réflexion ou l'analyse, pour laisser place à l'immédiat, l'instantané, l'éphémère, le subjectif et l'impulsif, bref, que des trucs qui ne font pas avancer le débat.

Du coup, on fait quoi ?

smartphone réseaux sociaux amis kikekwa

Toi, tu fais ce que tu veux. Pour ma part, après cette chevauchée infernale dans les méandres de ma dépendance à Facebook, j'ai décidé de changer complètement ma manière de l'utiliser. Parce que oui, jusqu'à ce matin encore, j'étais, moi aussi, complètement engourdie par tout ça et bien contente de partager une citation de je ne sais même pas qui que je trouvais cool. Mais ça, c'était avant ! Désormais, j'ai décidé de me sevrer du like, de me désintoxiquer de la dopamine, et de feinter les algorithmes (ouais, je vais y arriver, ne doute pas je te prie, c'est déplaisant).

Mes bonnes résolutions Facebook :

J'ai commencé par désinstaller l'appli de mon téléphone. Et j'ai décidé de ne plus y venir que lorsque j'aurai une production personnelle à partager : un article, une réflexion, un dessin... En gros, de m'y connecter si j'ai quelque chose à y apporter. Je ne partagerai plus rien sans y ajouter une réflexion personnelle. Je continuerai à commenter si j'ai envie, mais j'ai aussi décidé d'arrêter de liker et autres grrr, cœurs et larmes. Bref, du contenu, de la substance, même si c'est pour raconter une blague affligeante, le but étant que ça émane de moi, de ma réflexion, de mon observation, de mon analyse, de ma synthèse... 

Mais surtout, le but est de me soustraire à l'assaut permanent des contenus que je n'ai pas choisi de subir. J'en ai marre que Facebook décide à ma place de ce à quoi je dois penser. Marre qu'il me distille des trucs non-stop alors que peut-être, justement, j'ai envie de ne penser à rien. J'ai besoin de me réapproprier MON espace mental, MON silence intérieur, MES envolées farfelues et MES questions existentielles, sans que l'algorithme me suggère un point de départ et un chemin infini tout tracé vers ce qui, selon lui, générera mes clics.

La paix !

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