Le regret d'être mère

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Extrait du livre "Le regret d'être mère" d'Orna Donath

"Nous savons aussi que la maternité peut-être oppressive, en soi, étant donné qu'elle réduit la liberté de mouvement des femmes et leur degré d'indépendance. Et nous commençons tout juste à comprendre que les mères sont des êtres humains qui peuvent, consciemment ou non, faire du mal, commettre des actes de violence et parfois même tuer. Nous n'en espérons pas moins que ces expériences de femmes de chair et de sang ne viendront pas détruire notre image mythique de la mère, ce qui explique pourquoi nous avons toujours autant de mal à reconnaître que la maternité - comme bien d'autres domaines dans la vie dans lesquels on a pu s'engager et que l'on vit mal au point de souhaiter revenir en arrière et faire les choses autrement - peut aussi être une expérience que l'on regrette. Les femmes peuvent rencontrer des difficultés mais elles ne sont pas autorisées à ressentir et à penser que la maternité n'était pas une expérience heureuse.

[...]

Devenir mère donnera un sens à son existence. C'est lorsqu'elle deviendra mère qu'elle pourra se dire femme et le proclamer au monde entier, dans tous les sens du terme - en étant une figure morale qui s'acquitte de sa dette à l'égard de la nature et en créant la vie, mais aussi en la protégeant et en prenant soin d'elle. Elle pourra ainsi se relier à la séquence des générations, à sa mère et à ses aïeules, faire partie "DES femmes" qui ont enfanté depuis des temps immémoriaux - incarnant ainsi physiquement leur loyauté envers les traditions qui la précèdent, qu'elle peut désormais transmettre aux générations à venir. La maternité leur apportera ainsi un sentiment d'appartenance, mais aussi des responsabilités à assumer - un privilège que la culture leur refusait -, dans la mesure où elle aura autorité sur les enfants et n'aura plus à les soumettre à l'autorité du monde. La maternité sera un moyen à la fois concret et symbolique d'accéder à une féminité mature, en quittant "la maison de son père" et en construisant sa propre famille, en reproduisant une expérience positive et en réparant les erreurs du passé. Elle pourra ainsi explorer des pans oubliés de son enfance et les revivre et les remanier à sa guise. La maternité lui permettra de créer une alliance intime avec un partenaire à travers les enfants qu'ils ont ensemble, tout en la mettant au défi de se distinguer en réussissant. Elle aura quelque chose à quoi se consacrer, pour endurer la souffrance, satisfaire des besoins et faire preuve d'une bienveillance altruiste sans rien attendre en retour. Elle ne sera plus jamais seule et aspirera au plaisir, à la fierté, à la satisfaction et à l'amour inconditionnel ; elle aura un espace dans lequel elle pourra évoluer. En formant une nouvelle famille, elle pourra laisser derrière elle son passé marqué par l'abandon, la pauvreté, le racisme, les moqueries, la solitude et la violence. Elle pourra tourner la page et laisser son ancienne réalité derrière une porte close. Elle pourra imaginer une infinité de possibilités qui s'offrent à elle parce qu'elle sera devenue mère, comme le respect dû aux anciens auquel elle aura droit, la continuité, la perspective d'un avenir meilleur, en tout cas un moyen d'échapper à un présent qui est peut-être dénué d'objectif.

Telles sont les promesses sociales qui sont faites en permanence aux femmes dès qu'elles deviennent de jeunes femmes.

[...]

Le présupposé social selon lequel toute femme doit avoir des enfants repose en partie sur une étroite corrélation établie entre les femmes et le corps humain : si les femmes sont associées à la nature, c'est parce que leur corps est fertile et leur permet de porter des enfants, de les mettre au monde et de les allaiter, ce qui permet d'affirmer qu'il est de nature animale. Le corps des femmes est par conséquent jugé en fonction de son aptitude à enfanter qui serait l'essence même de leur vie et la justification de leur existence. [...] Cette vision des femmes les enferme dans le naturalisme qui pose comme prémisse que le POTENTIEL reproductif de l'anatomie des femmes LES CONTRAINT à devenir mères, qu'elles doivent obéir passivement à un ordre fataliste qui ne leur laisse pas d'autre choix. [...] La société [utilise] le "langage de la nature" pour les convaincre de concevoir et d'enfanter, souvent à la limite de la tyrannie biologique."

Orna Donath, Le regret d'être mère

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