Salut B***…
Je t’écris ces petits mots en ce 13 décembre, par une nuit sans lune, à précisément 23h48. Je te laisse trouver la suite (en gros, ce qui précédait). Sinon le chocolat était loin d’arriver à la cheville du Côte d’Or, mais bon, ça reste du chocolat.
J’espère que tu prends bien ton pied avec Ar**u* au bistrot, que tu seras raisonnable hein… Maman te surveille de près.
En ce qui concerne l’import-export des langoustes sauvages en Afghanistan, je pense m’étendre un peu sur le sujet dans quelques mois, histoire ce se tenir au courant du cours du chou, c’est important pour le dialogue. C’est vrai quoi, on oublie souvent l’importance des légumes dans le régime omnivore… pourtant, ils jouent un rôle considérable dans la régulation intestinale et transitoire intérieure. Les croquettes… A proscrire, de même que les saucisses Knacki, même si dans ces dernières on retrouve exactement les éléments qui ne sont pas tolérés dans les produits d’alimentation animale, par crainte de se retrouver avec les militants de la PETA sur le dos, procès au cul comme on dit, parce que ces produits auront contaminé les chiens de nos vénérables grand-mères. Donc bon, normal, à l’ancienne, on refourgue ces saloperies aux abrutis de toute leur race qui auront l’ingéniosité d’acheter ces merdes. Après tout, faut bien marchander hein !
Alors, un autre truc : les TDK formatted MF-2HD MS-DOS fais-y gaffe, p’tit conseil d’ami, c’est bourré de molécules mutantes ces choses là. Le genre de truc qui te ferait avaler une poire à lavement en un rien de temps, et ce même si t’en abuses pas. Encore plus con que la dope.
Tu savais que les gardes forestiers servaient uniquement à protéger l’usine dans la zone industrielle contre d’éventuels chasseurs britanniques à la retraite en quête de peau de vache bien huilée ? Non ?? Ben si, maintenant tu sais, rhooo…
Le clavier noir j’aime bien, et si la pâte à pizza de tout à l’heure ne me faisait pas convulser comme une limace agonisante, je dirais même que je kiffe trop tai li.
Bon, la déco murale laisse à désirer, mais après tout, on ne peut pas en demander trop à un pédiluve…
Eh ouais, c’est moi, le feu fatigué, l’arme du tigre, l’arme de feu ou le tigre fatigué… et vice et versa, ça marche dans tous les sens ! Inncrédibeule. Le euf guétifa, la meu-are du greuti, la meu-are de euf ou le greuti guétifa… Ou même ! Le guétifa euf, la greuti meu-are, la euf meu-are ou le guétifa greuti… C’est trop tai li !!!!
Mais j’aime pas les ampoules à poil. Ça me fait trop penser aux chats. « Maaooow… » Trop peu pour moi, je suis déjà trop souvent face à un spectacle liquéfiant du chat qui pisse sur ma guitare à 4h12 du matin, donc je me passe volontiers d’ampoules. D’ailleurs un de ces jours, tu comprendras pas pourquoi, tu n’auras plus accès à la lumière, qu’à celle du jour. Mais c’est une longue histoire…
Sinon je te propose aussi de prendre le train pour Londres, de rencontrer Rowan Atkitson, et de lui demander pourquoi il a choisi un traducteur originaire de la ville d’Erquy pour le traduire… Attention, ce n’est point le fait que je remette ses compétences en doute, mais je me demande juste comment il a réussi à le trouver, étant donné les milliers de traducteurs parisiens qui se gèlent le cul sous des ponts et qui mendient dans le vain espoir de grappiller quelque quignon de pain pour se caler le bide… Comme s’ils ne pouvaient pas directement investir dans une éponge, pour n’avoir par la suite que de l’eau à acheter pour satisfaire leur faim…
Bon allez, sur ce, bonne nuit.
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Re-salut B***.
Alors ces pâtes ? Vive les poivrons rouges. La tek combinée inter-transcendentalement avec le whisky fait pas mal d'effet également. Merci pour cette soirée. Tu lis pas en même temps que moi, rhaaaaa !!! Grrr
Silencieux comme les pièces qui tombent au fond de l'aumône du pénitencier de Ste Anne, Bonsoir-Anne. (C'était pour la rime). Non mais tu te rends compte de ce que tu me racontes ? Putain de nazi cannibale, mais doux Jésus, qu'est-ce que je fous là ??! Bordel de merde, je suis finie pour au moins 17 années consécutives (elles-mêmes entrecoupées par de longs mois à déprimer toute seule dans un canapé en cuir de vache-pauvre bête-bien huilée, s'il vous plaît. Mais où vais-je chercher tout ça ??! En attendant tu me dois un petit pétard, que je me ferai un plaisir de fumer en ta compagnie en te narguant du bout des lèvres en tirant une énormissime taffe sur ce filtre trop petit, que tu te feras un plaisir de critiquer en me disant des obscénités du genre : "Mais tu peux pas fumer sur un truc aussi petit ! C'est trop serré !" tout cela bien sûr dans le but de te consoler by yourself dans ce moment d'intense jalousie refoulée derrière ton petit sourire vénal de terroriste aguerri. Oh la vache, c'est énorme ! Je m'épate myself. C'est pas fantasmatigorifique ça ??
Bon allez, je crois que les pâtes sont prêtes, à taaaaaaaaable !!!
Bien, je vois que cette situation on ne peut plus australopithèquiste du vomi intensif dans les toilettes t'a fait du bien, je peux d'ores et déjà entendre l'eau couler abondamment dans ta salle de bain miniature.
Un problème ? Je ne comprends pas ce que tu me demandes, tu oses me demander ce que je fous ici ? Laisse-moi rire ! D'ailleurs je ris ! Il est actuellement 22h10, et tu me donnes cette idée si ingénieuse de noter cette heure tragique... Pour ainsi pouvoir te remémorer cette séance vomitale... Qui visiblement, te redonne l'appétit. C'est formadabeule. Tu me parles, je ne comprends rien, à vrai dire, je ne cherche même pas ne serait-ce qu'à écouter ce que tu marmonnes dans tes moustaches Dartagnantesques. Quelle soirée ! On croirait à un journal intime. Ceci dit, taper sur un clavier avec une main paralysée par la tenue de ce misérable pet' ne m'est guère aisé. C'est la raison pour laquelle je m'empresse de me lever le rallumer pour pouvoir te le filer dans l'ombre d'un semblant de sentiment de compassion. Chose dite, chose faite : après un "envoyage chier" des plus radicaux, j'exécutai l'ordre inconscient qui m'était arrivé à l'esprit dans un moment d'absence empoisonné et qui, je le savais, aller réorienter la soirée vers une perspective beaucoup plus plausible. Oh ! Sweet Jesus ! Je n'ai pu m'accomplir ! Car l'énergumène vient lamentablement de m'ôter le joint de la bouche pour le rallumer by himself. Cependant, le verre de champagne pétillant entre mes yeux et l'écran fait basculer mes idées... Hmm... Gorgée bienfaisante...
Si les parapluies brodés sont les moins efficaces par grande averse, l'idée de concevoir des parapluies en latex me semble tout à fait envisageable. Je sais ô combien tu haïs ce mot, c'est ainsi la raison pour laquelle je l'inscris en italique.
Comme dit plus haut, le clavier noir, j'aime bien. Mais les reflets lumineux me troublant, ce soir j'aime moins. C'est difficile avec cette musique de me concentrer sur le texte. Bon allez, va pour la mise en page... Ben merde alors, y'a plus rien à faire... La vache, je savais pas que j'étais capable de me rendre compte que je ne suis pas concentrée sur une chose tout en étant concentrée sur une autre... C'est énooooorme !!!
- "Si tu veux on peut faire un dialogue... Réponds par trois points de suspension si tu veux" me dit-il, l'air blasé.
- "Hein ?"
Il se mit à rire. Je ne comprenais pas bien pourquoi.
- " Et t'arrives même pas à me prendre pour un vieux poch' au fond de ma chauffeuse" me lança-t-il vaguement. Il se déboucha une bière après une phrase insensée d'une longueur époustouflante. Je fatigue. Mes gestes ne sont plus coordonnés. Il s'adresse à moi je crois :
- "Tu réponds à ce que je dis sur l'ordi ? Ou pas du tout ?..."
Il augmentai la musique dans un geste dénué de toute conviction, puis lâcha un cri aigu. Puis un autre. Puis un autre, en baissant et augmentant le volume de la chaîne de façon incontrôlée.
- "T'es en train de déconner là. Déconne pas trop Kikekwa. Ça se sent au niveau de ta respiration que t'es en train de déconner."
Décidément, l'alcool ne le réussit pas. Il criait maintenant dans un élan d'hystérie. Mais le volume restait à peu près bas, ce qui m'aidait beaucoup pour ma concentration. J'espère maintenant trouver un éditeur.
- "Tu pourrais pas plutôt rabâcher des a priori sur les mecs, là, putain ?..." Il est vraiment très fatigué. Il ne cesse de m'avertir que je vais "péter un plomb". Quel idiot...
- "C'est assez merveilleux", me dit-il après avoir entendu mon texte. Sympa, au moins une personne susceptible de comprendre ce que je ne comprends pas moi-même.
- "T'es vraiment qu'une salope" me dit-il ensuite. "Dis-moi putain !" Le garçon s'énerve ! Il se prend pour Tarzan, à balancer des objets avec ses pieds. Vraiment, on dirait un bonobo.
La musique est sympa. Il ne dit plus rien, je devrais veiller à ce qu'il ne s'endorme pas.
- "Grosse pute", grogna-t-il, avant de se remettre à crier. Je ne sais plus trop ce que je suis venue faire ici, je m'interroge. Je m'inquiète, même. Merde, fichtre shit ! Je ne contrôle plus rien. Le voilà qui chante maintenant. Je m'inquiète d'autant plus. Il va réaliser la vérité... Je suis perdue ! Je dois détendre l'atmosphère, et détourner tout soupçon. Ça bouillonne là dedans.
- "Bon je retire ce que j'ai dit, espérons que tu vas finir par péter un plomb" me lança-t-il avant de se diriger vers sa salle de bain miniature pour y réaliser je ne sais quel geste héroïque. Ce sont les moments que je préfère, car ceux que je comprends le moins. Mon Dieu ! Mais que fait-il là ?! Il n'est pas dans sa salle de bain mais bel et bien dans son lit, ou plus exactement sur son lit, à marmonner quelque phrasounette débile. Une vraie loque. Je bloque. Sale phoque ! J'te poque, vieux bloc en cloque.
- "J'dors pas..." tente-t-il de dire entre deux laborieuses respirations. La musique n'est pourtant pas très propice à la joie de vivre, loin s'en faut.
Mon auriculaire droit commence à manifester quelques signes de fatigue. La circulation sanguine ne se fait plus normalement, et mon doigt finira peu à peu par se glacer et se paralyser totalement. Quand je pense aux oiseaux, qui doivent traverser des pays entiers lors de leur migration... Leurs auriculaires, s'ils en avaient, se glaceraient en un rien de temps ! Mais le temps est venu pour moi d'aller me rouler une clope.
Je dors pas... Mes fesses, ouais ! Quelle misérable merde ! J'ai vraiment hâte que les gars lisent ce truc ! Les textes sont les plus beaux documents qui existent. Comment voulez vous expliquer tout ça dans une peinture ou une sculpture ? A moins de représenter un phoque croisé avec une limace fumant des joints et se dandinant sur une couette à 22h48 par un 31 décembre... Sans oublier tous les détails... Heu, le gars qui me fera ça, faudra que je le rencontre. Même une photographie ne ferait pas l'affaire. Elles représentent pourtant, preuves visuelles à l'appui, la scène dans une authenticité des plus déroutantes.
Des ronflements maintenant. Et mon téléphone qui miaule. Je réponds une imbécillité des plus imbéciles qui me passe par la tête. Le pauvre, il va rien capter, il doit déjà être bourré pour m'écrire un message... Encore un flic bon à enfermer... Et toujours ces ronflements incessants. Got a good reason for takin' the easy way out... It took me so long to find out, and I found out... Blablabla, on la connaît cette chanson. Day tripper, c'est pas mal, restons réalistes. Mais quand les ronflements se transforment en gémissements, là rien ne va plus. Faites vos jeux... Deux mille... La roue tourne. Deux mille au 18.
J'entends des voix maintenant. Oh mon Dieu, j'ai du apeurer le garçon avec mon texto. Technologie de merde, aussi. Hey, les gars, aidez-moi ! Il perd la tête. L'alcool le rend fou. Il ne sait même plus où il est !
C'est drôle, parce que depuis le début, je change sans arrêt d'interlocuteur. Tout devient confu-cius- et je ne sais plus à quel saint me vouer. Cette soirée se barre vraiment en couille. Mon imagination me joue des tours, elle aussi. 23h. Et il ronfle toujours. Que faire ? J'appréhende le moment du réveil, quand il me racontera l'histoire d'une autruche rampante qui prenait des taz, ou celle d'un immeuble gris qui lui parlait de Lao-Tseu. Vraiment... Je suis dans la merde.
La merde ? Mais c'est quoi la merde ? Les excréments ? On est dans les excréments ? Mais on peut pas dire ça ! Ah, sacré Monsieur Xie. Il nous aura bien fait rire lui aussi. La musique est insoutenable, je ne sais plus quoi faire ! Il s'étouffe, ou du moins, il suffoque. Son portable vibre, va-t-il se réveiller ? Le contraire m'en a tout l'air. Encore un message qui ne sera lu que trois plombes plus tard, quand il sera justement trop tard. Il vibre à nouveau, tandis que les gémissements ne cessent de monter en puissance. Aucune autre réaction.
Je suis désormais en mesure de constater que le studio règne dans un chaos indescriptible, digne de la nuit la moins post-analysable de toute une vie. J'espère seulement que personne n'aura la mauvaise idée de débarquer ici et de faire sonner cette alarme de paquebot pour réveiller le gars dans un sursaut atroce tant pour le côté psychique que physique de la situation actuelle. La configuration est floue, et les objectifs trop peu définis. Tel une vague esquisse sans avenir, le programme de ce soir me semble bien peu énergique. Pour certains du moins. Et si je dormais, moi aussi ? C'est une hypothèse tout à fait projetable dans l'avenir, compte tenu de la situation. Un rot entre deux soupirs, ça me parait raisonnable. C'est qu'il reste lucide, le garçon. Là je dis : chapeau. C'est pas souvent que ça arrive, ce genre de péripéties. Ah, tiens, il parle. Il me dit : "ouais, mais c'est bon, ok..." Alors... Parle-t-il à l'autruche ou à Lao-Tseu ? En tout cas, je ne pense pas qu'il soit bon pour moi de le savoir. Un petit morceau de Petit Saint Paulin ? Volontiers...
Il est des choses que tout le monde ne peut comprendre. Pour exemple ce texte. Faites-le lire à un cadre parisien dans le métro, vous ne ferez qu'empirer son état de stress. Faites-le lire à un adolescent bien dans sa peau, vous ne ferez que vous leurrer, car les ados bien dans leur peau n'existent pas, ha ha ha. Faites-le lire à une institutrice à la retraite, vous ne feriez qu'exacerber son côté sectaire et flicard, car elle ne saurait se concentrer sur le contenu pour privilégier la vérification de la mise en forme et des fautes d'orthographe. Faites-le lire à un agriculteur pendant la traite de six de ses vaches, vous ne feriez que prolonger la compression des pis de ces pauvres bêtes, tant l'homme peinera à lire parce qu'il n'aura pas ses lunettes. Faites-le lire à un enfant, vous ne feriez que le dégoûter des études supérieures. Faites-le lire à un ouvrier travaillant à la chaîne dans un abattoir, vous ne feriez que l'amener dans un état de furie tel qu'il ne serait prudent de vous attarder à ses côtés. La liste est longue. Ainsi en vins-je à conclure que ce texte doit être exclusivement réservé à une élite bien particulière : l'élite des australopithèques désaxés. Sans ses deux critères (australopithèque et désaxé) la personne ne peut comprendre. Les esprits trop cartésiens se perdraient dans un foutoir pareil, et les artistes n'y verraient qu'une pulsion cérébrale supplémentaire sans aucun intérêt pratique.
Toutefois, je persiste à dire que l'expression orale joue un rôle primordial dans le bon équilibre psychologique. C'est pour cela que, comme il est bien connu de tous, les muets sont tous fous. Mais là n'est pas le débat.
Le problème est que les ronflements continus m'inquiètent de plus en plus. Dois-je les interrompre en hurlant quelque hymne ou dois-je laisser libre cours à leur "franc-parler" ? Je pense que, par souci de cohérence, je vais choisir la deuxième solution.
Me voilà ainsi partie pour de nouvelles aventures, toutes plus palpitantes les unes que les autres. Je ne sais combien de temps cela durera, mais peu m'importe. Un petit verre de Schweppes ? Putain c'est dingue ce que l'orthographe de ce "mot" est compliquée. S, C, H, W, E, P, P, E, S. Honnêtement, c'est pas un peu ridicule tout ça ? Au lieu de l'écrire C-H-O-U-A-I-P-S, non, faut qu'il nous colle un double V, un double P, deux S et deux E. Non non, on ne dit pas "un double E", parce que là, les deux E ne sont pas côte à côte... Les S non plus, non non non non non...
Mon Dieu, il se fait tard, dans dix minutes nous sommes en 2006. Une petite clope ? Ou un petit pétard, pour faire passer ces courtes minutes ?... Une clope c'est moins chiant à rouler, mais c'est aussi moins bon... Je sais, pour faire passer ces minutes, quoi de mieux que de réfléchir à ce choix ?
Je divague, mon esprit se promène entre des rochers aux formes arrondies sur du sable mouillé et tassé sous le poids des vagues. Comme un petit ruisseau, j'avance doucement, caressant les lisses parois rocheuses sans me soucier du reste... Pourtant je devrais me soucier du reste... De ces ronflements, notamment. Ils durent, ils durent... dans six minutes, nous sommes en 2006, et je crains les messages innombrables, que ce soit sur mon téléphone ou sur le sien... Le réseau va encore être saturé, et après l'on s'étonne que les opérateurs soient pétés de thunes... Enfin, les opérateurs... Vous me comprenez. Quatre minutes... Le suspens se fait long. Les ronflements aussi. Deux minutes... C'est quoi, c'est la fin du monde ? Le bug de l'an 2006 ? Oui, 2006, deux mille + six. Une minute... Mon cœur bat fort. Un coup de fusil retentit au dehors. J'ai peur. Et le garçon dort toujours, quand soudain... Un deuxième coup de fusil !
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Il est minuit !
Quand je pense que des centaines de familles sont ce soir en train de se lancer des billes de papier avec des sarbacanes de carton et un chapeau pointu -turlu tutu- sur la tête... Pourquoi pas ? Mais là, c'en est trop. Il s'essouffle dans son sommeil. Minuit et deux minutes, et je l'entends qui remue sur sa couette en soupirant, mais toujours sans un mot. Je me dois d'agir.
Sous les décombres plutôt souples que je viens d'aménager avec les coussins alentour, toujours ce corps inerte, mais qui toutefois respire encore. Qui se remet même à ronfler. Rien ne le ramènera donc à la raison. Peut-être l'odeur de la beuh. Mais mon dos me l'interdit. Ce salaud m'a cloué sur cette chaise et m'empêche d'en sortir. Je peux voir d'étranges lueurs par la fenêtre. Cette soirée a donc décidé d'être la plus incompréhensible de toute mon existence. Après tout, il en faut bien une hein !
Après une nuit agitée à me dire que mes jambes font des zig-zag et à voir l'immeuble tourner sur lui-même, je me réveille à 5h54 du matin, ébahie de voir la vitesse avec laquelle cette nuit est passée. Il faut dire que je ne suis pas en mesure de me souvenir si j'ai dormi ou pas. Mais je pense que oui. Au final, qu'est-ce qu'on s'est fait chier ! Deux misérables taupes n'auraient pas fait pire. Certainement mieux même.
- "Ta gueule Iggy, tu m'encules !" lâcha-t-il en s'attelant à une tâche des plus acrobatiques : le rangement de l'appart'. Qui ne fut d'ailleurs pas sans dégâts : entre le boc de bière renversé sur la moquette souillée, les shoots dans divers objets traînant par-là, comme des coussins, couvertures et autres vêtements. Mais ce matin, il n'agit plus en bonobo, c'est-à-dire qu'il n'utilise que ses mains et sa voix pour accélérer les choses :
- "Putain de merde ! Au bout du compte t'avais roulé quoi à la fin du texte ? Une clope ou un pet' ?" me demanda-t-il d'une voix fatiguée. Une voix qui en avait déjà trop vu en trois heures de temps. On peut pas dire qu'il ait été des plus enthousiastes pourtant. A part vomir et se lamenter sur la douleur oppressante de son crâne, il n'a pas fait grand chose de la soirée, hormis se rouler des cônes. C'est d'ailleurs la première chose à laquelle il a pensé au réveil. Tandis que je me ruais sur l'ordinateur pour continuer ce récit pittoresque.
Iggy Pop c'est motivant comme musique. C'est d'ailleurs le seul son que l'on peut entendre, gentiment accompagné du bruit de mes doigts flirtant avec les touches de ce clavier noir. Quelques cris sourds de temps en temps, mais je ne m'inquiète pas. Il ne fait que "participer" à la furie de la guitare électrique lancinante de l'album.
- "Bon on fume un p'tit pet' et on va faire un tour dehors ?" me demanda-t-il. Il reçut un haussement d'épaules pour seule réponse. Cette idée me paraît être la bonne. Un peu d'air ne peut nous faire que du bien. Le chaos du local, bien que quelque peu post-modifié par le "rangement" de l'artiste, demeure tout de même gargantuesque. Incroyable qu'en si peu de temps l'on ai pu disperser tant d'objets sur une si petite surface. Lao-Tseu dirait que ça fait partie du jeu, qu'il faut laisser couler la rivière...
Une vibration de portable. La lecture est rude. Et sans intérêt. Au début tout ceci me semblait tellement surréaliste que je ne pensais pas en arriver à ce résultat. Mais la "soirée" n'est pas terminée.
Elle ne fait en fait que commencer. La musique a changé. Nous nous apprêtons maintenant à fumer ce joint, avant de prendre le volant pour de vraies aventures. Je ne sais encore trop bien lesquelles. Il commence à lire un bouquin de Bukowski, auquel je ne comprends rien. C'est comme ce que je disais plus haut, ce livre aussi est réservé à une élite, mais pas la même. Indéfinissable. C'est assez insupportable d'entendre à la fois le clavier, la "musique" et ce texte. Heureusement que le Chouaips est là pour me remonter le moral.
Atmosphère psychédélique démoniaque ! Je ne suis plus de ce monde. Les battements de cœur en fond sonore, non merci. Après ce film "Comme une bête", je ne supporte plus ce bruit. C'est l'histoire abominable d'un homme-singe qui se retrouve confronté aux aberrations de la société urbanisée. Il en perd la vie. The end of the résumé. Maintenant place au saxophone. C'est triste à mourir. L'enterrement de Tatie Daniel devait être plus joyeux, oh oui sûrement ! Plongé dans sa lecture, tel un coquillage recroquevillé dans sa demeure, il ne bouge plus, il ne produit plus aucun son (excepté la toux qui le prend de temps à autres, mais qui reste tout de même incroyablement modérée étant donné les circonstances).
- "Un dindon !" lui dis-je.
- " Un dindon qu'on égorge" me répondit-il d'un ton moqueur. "Whaff..." lâcha-t-il. Je ne sais pas comment je dois l'interpréter. Cette divinité qui le hante doit certainement jouer en sa défaveur, puisqu'il trouvait le moyen tout à l'heure de m'accuser de son état.
- "Hé hé héhéhé !" riait-il. Il aurait appris la détresse qui m'habite à chaque fois que j'enterre un mulot lâchement tué par mon chat qu'il n'aurait pas rit plus fort.
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Nous sommes donc partis en voiture faire un petit tour. C'est ainsi que nous nous dirigeons vers le centre ville. Puis, quand le garçon fut pris d'une excitation démesurée en posant ses yeux sur le panneau "St Malo", nous décidâmes d'en suivre le chemin. Après de longues virées dans les contrées les plus perdues de cette planète, en passant par Tintiniac, Le Vieux Bourg, en essayant de passer par Dol de Bretagne, sans oublier le mythique Château de la Bourbansais et le parc zoologique du même nom, dans lequel nous avons bien failli nous faire éjecter à coups de sabots de girafe, nous nous retrouvons enfin approximativement à St Malo intra muros. Tout ce chemin nous ayant pris au moins deux heures. Pris d'une faim sans commune mesure avec la réalité, nous cherchions vainement un endroit ou satisfaire nos envies. Puis nous décidons de marcher sur les remparts, histoire de se prendre pour des hiboux dominant l'océan... Quand mon poncho s'est envolé. Malheur !!! Maudite soit cette ville ! Mais tout ceci s'est très vite arrangé, n'épiloguons pas trop sur cette broutille.
Nous voici donc repartis pour de nouvelles aventures, après ce bol d'air frais et ces averses continuelles.
- "Tu conduis" me dit-il. Ok mec, je conduis, ça vaudra sûrement mieux pour tout le monde. Nous avons donc atterri au beau milieu de Dinard, sur le terrain de concours le plus beau d'Europe, à caresser ces mammouths de bestiaux musclés comme des troncs d'arbre.
- "Les chiens sont sympas ici" me lança-t-il, l'air ahuri.
Nous quittons cette ville pour nous rendre sur les hauteurs d'Erquy, en passant par les campings, et aussi, et surtout, par les éventuels endroits où l'on pourrait se mettre quelque chose sous la dent. Nous trouvons sur le port une sorte de restaurant. Nous décidons d'y entrer pour s'avaler des assiettes de frites à deux euros cinquante l'unité.
- "Bonjour ! Est-ce que vous faites à manger ?"demanda-t-il à la serveuse. Je le regardais l'air surpris. Nous sommes donc sortis, après avoir entendu la serveuse nous répondre par la négative. Elle a sans doute eu peur de devoir expliquer à son patron que deux énergumènes bourrés comme des barriques et démolis comme des ruines sont venus lui demander à manger, dans cet établissement où l'alimentation est le seul produit proposé à la clientèle. Désespérés, nous reprenons notre route vers le centre, où nous localisons une confiserie gracieusement ornée d'un père Noël de vitrine qui dandine du cul en chantant Jingle bells en boucle. Nous demandons donc une bonne livre de langues de chat, ce genre de saloperie qui vous détruit les gencives avant même la première bouchée. Après une courte visite à la jument perdue au fond d'une cahute de bois dans un semblant de pré, nous reprîmes la route pour Rennes city, où nous arrivâmes sans encombre (hormis pour les gencives). Les potes sont complètement perchés, et devant la désolation du spectacle qui nous attendait à l'appart', nous décidons de rendre visite à l'un d'eux dans un plus ou moins long temps.
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Après quelques joints fumés de la bonne manière et au bon moment, nous continuions de discuter avec les murs, n'entendant même plus leurs réponses. Normal, pensais-je, les murs ne parlent pas. Je dois encore entendre des voix, me dis-je. Ah mais oui, c'est le jeune qui me parle ! Ha ha, j'ai rien compris au film encore, il me parle de son whisky qu'il ne retrouve plus, en sirotant une bière et en me demandant à plusieurs reprises :
- "Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux un cendar ?" Je répondis par un non de la tête. Il ouvrit la fenêtre. Bonne idée, pensais-je, toujours assise sur cette même chaise désaxée (elle aussi) de son axe (logique) et, soit dit en passant, très casse-gueule. Il ressemblait à un druide, buvant une de ces potions magiques à la paille. Tout de même armé d'un briquet, me direz-vous. Oui, mais c'est pour stimuler les molécules et les faire s'entre-choquer.
- "Ca va aller" me dit-il, se voulant rassurant. Mais je n'étais pas rassurée du tout, loin de là. Un terroriste armé jusqu'aux dents (oui, les terroristes mangent peu de langues de chat) m'aurait fait le même effet. Ah... Bonté divine, les toilettes ! Vive les toilettes ! L'eau courante est une denrée rare, mais bien utile aux australopithèques. Le voilà justement qui veut prendre une douche. Après quelques cris-eux aussi courants- il cherchait des sapes à se mettre pour avoir l'air d'un garçon-propre-sur-lui, histoire de pas se faire à nouveau virer du restaurant, probablement.
La musique m'obsède, tandis qu'il s'enferme dans sa salle de bain miniature, pris d'une quinte de toux épouvantable. Ca me rappelle cette nuit, quand je l'entendais cracher ses poumons dans son sommeil entre deux rots. L'eau coule désormais violemment. J'espère seulement que la douche ne sera pas aussi longue que celle qu'il prit un mercredi matin avant d'aller en cours, tandis qu'un autre personnage et moi-même tentions désespérément de nous rendormir après ce réveil à la John Coltrane des plus virulents. Après quoi, ne retrouvant pas le sommeil, je décidai de lire à haute voix quelques pages en anglais de Las Vegas Parano à ce deuxième artiste déguisé en limace qui lui, ne me demandait intérieurement qu'une seule chose : du calme. Visiblement, ma lecture ne l'importunait pas plus que cela, mais malgré sa discrétion et sa politesse, je pouvais lire dans ses yeux quelques mots comme "va chier avec ton bouquin de merde, sale microbe, tu me pourris la vie !" Quand j'eus enfin compris le sens de ces mots, après quelques dizaines de minutes, je pris la route à destination de l'interrupteur. J'ai vraisemblablement brisé sa journée, pauvre garçon. Mais la douche était interminable, et je m'en excuse aujourd'hui, mais je ne pouvais pas rester inerte face à tant de bruit. Si j'avais eu un rat avec moi, je l'aurais certainement lâché sur le ventre du bonhomme pour qu'il aille lui lécher les dents, il paraît que ça fait sensation. Malheureusement la configuration était telle qu'il n'y avait à ma portée que ce livre de malheur.
Ca y est, j'ai compris comment manger les les langues de chat. Il faut juste éviter de les prendre avec les mains.
- "Hé ! Y'a un break qu'était marrant" me dit-il en sortant de sa douche, en enfilant ses chaussettes un pet' à la bouche.
- "Ca avance, c'est pas mal" lui dis-je en parlant de mon texte.
- "Et t'as pris une photo de moi mort sur le lit, si j'ai bien compris." Voilà ce que je reçus pour réponse. "Je vais être obligé de détruire cette preuve" a-t-il continué.
Après un délire de quelques secondes, il rit. Il m'a pourtant seulement balancé la salière pour je ne sais trop quelle raison, en m'avertissant que j'étais, selon lui, "stress". Il me raconte à présent l'histoire d'une amie à lui qui écrit tout le temps. Je ne vois pas bien le rapport avec le sel.
- "Mais Manue elle est complèt'ment barge, t'façon" me dit-il avant de mettre un peu d'ordre dans ses CDs, en produisant un bruit étrange avec sa bouche. Une sorte de bruit de rongeur, comme un lapin qui rumine, vous voyez le mix ?
- "A tes souhaits" lui dis-je.
- "Merci".
Il s'attelle maintenant à la cuisine. Des pâtes, sa spécialité avec le riz basmati. Mon estomac et mes papilles gustatives se réjouissent à l'avance de ce qu'ils vont probablement recevoir d'ici peu. En revanche, la vue de ce sel fin iodé Cérébos me coupe l'appétit.
Après un silence de mort d'environ une minute, le revoilà qui parle tout seul, en marmonnant des "c'est chelou" dans ses moustaches. Quel drôle de personnage tout de même.
- "Madame veut peut-être se bouffer une petite tomate en salade en entrée ?" me demande-t-il, d'un ton bourgeois.
- "Non merci" lui dis-je. Trop peu pour moi, la tomate me fait penser au sel ! "Je vais rouler un pet' !" lui dis-je, enthousiaste.
Au final, je ne l'ai pas roulé, mais à la place, j'ai mangé des pâtes. Délicieuses. On s'est remémoré la failli-perte de mon poncho, et le risque que j'ai pris en me jetant comme une furie sur un rempart trempé au-dessus d'une vingtaine de mètres de vide. Mais peu importe maintenant, j'ai dit plus haut qu'il ne fallait pas épiloguer sur cette broutille. Quelle est la suite des évènements ? What comes next ? Je me le demande, mais la soirée est loin de se terminer. L'on doit encore rendre visite à un énergumène dont j'ai déjà parlé plus haut, mais j'en doute.
]Etait-ce un soubresaut d'inconscient ou un jeu enfantin ?Ses pleurs avaient vraiment quelque chose d'effrayant[
Comment a-t-il osé souiller mon oeuvre ??! Quel culot ! C'est vrai que mes pleurs ont toujours ce côté flippant, pas comme dans les séries américaines ou les jeunes filles retiennent leurs larmes en se frottant les cils inférieurs avec leur auriculaire pour ne pas prendre le risque de faire baver leur mascara. C'est complètement différent. Les sons qui sortent de ma bouche ne sont pas les miens, ce sont seulement ceux d'un être qui m'habite dans ces moments de pur désespoir. Je ne lui ai pas donné de nom, je préfère m'adonner aux fantaisies de l'anonymat.
Cependant, fantaisie pour fantaisie, le garçon se mit soudain à jouer de la flûte de pan avec son boc de bière, tandis qu'il avait repris la lecture intensive de Bukowski. Il a vraiment l'air captivé. Impressionnant.
- "Je suis en train de me demander si je vais pas aller chercher F** en fait là, lui faire mater un film, j'crois qu'c'est c'qu'il lui faut" me dit-il. (Par souci de confidentialité, notez que tous les personnages extérieurs ne seront pas mentionnés par leur prénom). L'idée n'était pas mauvaise, mais de là à réaliser la prouesse qu'il nous fallait accomplir, à savoir reprendre le volant, dans de telles conditions... A proscrire. Pourtant, tout ici m'indiquait que nous étions en phase de nous mettre en route. C'est parti, mais pas comme prévu...
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Nous voilà donc arrivés chez l'énergumène, à Gaine d'Arc. La tête de caméléon que je vis dans la cage d'escalier me fit sursauter.
- "Ouais, c'est dur" dit-il, l'air vidé. Nous montons donc dans sa chambre, qui à ce moment précis ressemblait plus à une niche souillée, un peu comme si des dizaines de personnes étaient venues ici pendant quinze jours, à foutre un bordel indescriptible sans se soucier du plus important : qui va nettoyer ?
Après quelques mots par-ci par-là, (oui il faut avouer que le débit était assez faible, malgré les divers stimulants éventuels à notre disposition : pétard, tabac, thé...) nous reprîmes la route. Ainsi se termine la soirée pour moi, et au final, même si je me demande qui de nous trois a le plus souffert, je me dis que ça n'a aucune importance.
- "Quelle soirée de merde putain" dit F**.
- "Breuak" répondit le propriétaire des lieux. "Mais t'as vu la soirée que Kikekwa a passé aussi ?" poursuivit-il.
Je ne sais plus trop bien quoi faire, seul un engagement pris quelques heures auparavant me condamne à quitter ce pays.
- "Toi tu roules joint sur joint" dit F**, d'un air aussi envieux que blasé. Mais je sens que là, je les fais vraiment chier avec ce récit, et de toute façon, je me dois de partir. Maintenant.
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The end
Je t’écris ces petits mots en ce 13 décembre, par une nuit sans lune, à précisément 23h48. Je te laisse trouver la suite (en gros, ce qui précédait). Sinon le chocolat était loin d’arriver à la cheville du Côte d’Or, mais bon, ça reste du chocolat.
J’espère que tu prends bien ton pied avec Ar**u* au bistrot, que tu seras raisonnable hein… Maman te surveille de près.
En ce qui concerne l’import-export des langoustes sauvages en Afghanistan, je pense m’étendre un peu sur le sujet dans quelques mois, histoire ce se tenir au courant du cours du chou, c’est important pour le dialogue. C’est vrai quoi, on oublie souvent l’importance des légumes dans le régime omnivore… pourtant, ils jouent un rôle considérable dans la régulation intestinale et transitoire intérieure. Les croquettes… A proscrire, de même que les saucisses Knacki, même si dans ces dernières on retrouve exactement les éléments qui ne sont pas tolérés dans les produits d’alimentation animale, par crainte de se retrouver avec les militants de la PETA sur le dos, procès au cul comme on dit, parce que ces produits auront contaminé les chiens de nos vénérables grand-mères. Donc bon, normal, à l’ancienne, on refourgue ces saloperies aux abrutis de toute leur race qui auront l’ingéniosité d’acheter ces merdes. Après tout, faut bien marchander hein !
Alors, un autre truc : les TDK formatted MF-2HD MS-DOS fais-y gaffe, p’tit conseil d’ami, c’est bourré de molécules mutantes ces choses là. Le genre de truc qui te ferait avaler une poire à lavement en un rien de temps, et ce même si t’en abuses pas. Encore plus con que la dope.
Tu savais que les gardes forestiers servaient uniquement à protéger l’usine dans la zone industrielle contre d’éventuels chasseurs britanniques à la retraite en quête de peau de vache bien huilée ? Non ?? Ben si, maintenant tu sais, rhooo…
Le clavier noir j’aime bien, et si la pâte à pizza de tout à l’heure ne me faisait pas convulser comme une limace agonisante, je dirais même que je kiffe trop tai li.
Bon, la déco murale laisse à désirer, mais après tout, on ne peut pas en demander trop à un pédiluve…
Eh ouais, c’est moi, le feu fatigué, l’arme du tigre, l’arme de feu ou le tigre fatigué… et vice et versa, ça marche dans tous les sens ! Inncrédibeule. Le euf guétifa, la meu-are du greuti, la meu-are de euf ou le greuti guétifa… Ou même ! Le guétifa euf, la greuti meu-are, la euf meu-are ou le guétifa greuti… C’est trop tai li !!!!
Mais j’aime pas les ampoules à poil. Ça me fait trop penser aux chats. « Maaooow… » Trop peu pour moi, je suis déjà trop souvent face à un spectacle liquéfiant du chat qui pisse sur ma guitare à 4h12 du matin, donc je me passe volontiers d’ampoules. D’ailleurs un de ces jours, tu comprendras pas pourquoi, tu n’auras plus accès à la lumière, qu’à celle du jour. Mais c’est une longue histoire…
Sinon je te propose aussi de prendre le train pour Londres, de rencontrer Rowan Atkitson, et de lui demander pourquoi il a choisi un traducteur originaire de la ville d’Erquy pour le traduire… Attention, ce n’est point le fait que je remette ses compétences en doute, mais je me demande juste comment il a réussi à le trouver, étant donné les milliers de traducteurs parisiens qui se gèlent le cul sous des ponts et qui mendient dans le vain espoir de grappiller quelque quignon de pain pour se caler le bide… Comme s’ils ne pouvaient pas directement investir dans une éponge, pour n’avoir par la suite que de l’eau à acheter pour satisfaire leur faim…
Bon allez, sur ce, bonne nuit.
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Re-salut B***.
Alors ces pâtes ? Vive les poivrons rouges. La tek combinée inter-transcendentalement avec le whisky fait pas mal d'effet également. Merci pour cette soirée. Tu lis pas en même temps que moi, rhaaaaa !!! Grrr
Silencieux comme les pièces qui tombent au fond de l'aumône du pénitencier de Ste Anne, Bonsoir-Anne. (C'était pour la rime). Non mais tu te rends compte de ce que tu me racontes ? Putain de nazi cannibale, mais doux Jésus, qu'est-ce que je fous là ??! Bordel de merde, je suis finie pour au moins 17 années consécutives (elles-mêmes entrecoupées par de longs mois à déprimer toute seule dans un canapé en cuir de vache-pauvre bête-bien huilée, s'il vous plaît. Mais où vais-je chercher tout ça ??! En attendant tu me dois un petit pétard, que je me ferai un plaisir de fumer en ta compagnie en te narguant du bout des lèvres en tirant une énormissime taffe sur ce filtre trop petit, que tu te feras un plaisir de critiquer en me disant des obscénités du genre : "Mais tu peux pas fumer sur un truc aussi petit ! C'est trop serré !" tout cela bien sûr dans le but de te consoler by yourself dans ce moment d'intense jalousie refoulée derrière ton petit sourire vénal de terroriste aguerri. Oh la vache, c'est énorme ! Je m'épate myself. C'est pas fantasmatigorifique ça ??
Bon allez, je crois que les pâtes sont prêtes, à taaaaaaaaable !!!
Bien, je vois que cette situation on ne peut plus australopithèquiste du vomi intensif dans les toilettes t'a fait du bien, je peux d'ores et déjà entendre l'eau couler abondamment dans ta salle de bain miniature.
Un problème ? Je ne comprends pas ce que tu me demandes, tu oses me demander ce que je fous ici ? Laisse-moi rire ! D'ailleurs je ris ! Il est actuellement 22h10, et tu me donnes cette idée si ingénieuse de noter cette heure tragique... Pour ainsi pouvoir te remémorer cette séance vomitale... Qui visiblement, te redonne l'appétit. C'est formadabeule. Tu me parles, je ne comprends rien, à vrai dire, je ne cherche même pas ne serait-ce qu'à écouter ce que tu marmonnes dans tes moustaches Dartagnantesques. Quelle soirée ! On croirait à un journal intime. Ceci dit, taper sur un clavier avec une main paralysée par la tenue de ce misérable pet' ne m'est guère aisé. C'est la raison pour laquelle je m'empresse de me lever le rallumer pour pouvoir te le filer dans l'ombre d'un semblant de sentiment de compassion. Chose dite, chose faite : après un "envoyage chier" des plus radicaux, j'exécutai l'ordre inconscient qui m'était arrivé à l'esprit dans un moment d'absence empoisonné et qui, je le savais, aller réorienter la soirée vers une perspective beaucoup plus plausible. Oh ! Sweet Jesus ! Je n'ai pu m'accomplir ! Car l'énergumène vient lamentablement de m'ôter le joint de la bouche pour le rallumer by himself. Cependant, le verre de champagne pétillant entre mes yeux et l'écran fait basculer mes idées... Hmm... Gorgée bienfaisante...
Si les parapluies brodés sont les moins efficaces par grande averse, l'idée de concevoir des parapluies en latex me semble tout à fait envisageable. Je sais ô combien tu haïs ce mot, c'est ainsi la raison pour laquelle je l'inscris en italique.
Comme dit plus haut, le clavier noir, j'aime bien. Mais les reflets lumineux me troublant, ce soir j'aime moins. C'est difficile avec cette musique de me concentrer sur le texte. Bon allez, va pour la mise en page... Ben merde alors, y'a plus rien à faire... La vache, je savais pas que j'étais capable de me rendre compte que je ne suis pas concentrée sur une chose tout en étant concentrée sur une autre... C'est énooooorme !!!
- "Si tu veux on peut faire un dialogue... Réponds par trois points de suspension si tu veux" me dit-il, l'air blasé.
- "Hein ?"
Il se mit à rire. Je ne comprenais pas bien pourquoi.
- " Et t'arrives même pas à me prendre pour un vieux poch' au fond de ma chauffeuse" me lança-t-il vaguement. Il se déboucha une bière après une phrase insensée d'une longueur époustouflante. Je fatigue. Mes gestes ne sont plus coordonnés. Il s'adresse à moi je crois :
- "Tu réponds à ce que je dis sur l'ordi ? Ou pas du tout ?..."
Il augmentai la musique dans un geste dénué de toute conviction, puis lâcha un cri aigu. Puis un autre. Puis un autre, en baissant et augmentant le volume de la chaîne de façon incontrôlée.
- "T'es en train de déconner là. Déconne pas trop Kikekwa. Ça se sent au niveau de ta respiration que t'es en train de déconner."
Décidément, l'alcool ne le réussit pas. Il criait maintenant dans un élan d'hystérie. Mais le volume restait à peu près bas, ce qui m'aidait beaucoup pour ma concentration. J'espère maintenant trouver un éditeur.
- "Tu pourrais pas plutôt rabâcher des a priori sur les mecs, là, putain ?..." Il est vraiment très fatigué. Il ne cesse de m'avertir que je vais "péter un plomb". Quel idiot...
- "C'est assez merveilleux", me dit-il après avoir entendu mon texte. Sympa, au moins une personne susceptible de comprendre ce que je ne comprends pas moi-même.
- "T'es vraiment qu'une salope" me dit-il ensuite. "Dis-moi putain !" Le garçon s'énerve ! Il se prend pour Tarzan, à balancer des objets avec ses pieds. Vraiment, on dirait un bonobo.
La musique est sympa. Il ne dit plus rien, je devrais veiller à ce qu'il ne s'endorme pas.
- "Grosse pute", grogna-t-il, avant de se remettre à crier. Je ne sais plus trop ce que je suis venue faire ici, je m'interroge. Je m'inquiète, même. Merde, fichtre shit ! Je ne contrôle plus rien. Le voilà qui chante maintenant. Je m'inquiète d'autant plus. Il va réaliser la vérité... Je suis perdue ! Je dois détendre l'atmosphère, et détourner tout soupçon. Ça bouillonne là dedans.
- "Bon je retire ce que j'ai dit, espérons que tu vas finir par péter un plomb" me lança-t-il avant de se diriger vers sa salle de bain miniature pour y réaliser je ne sais quel geste héroïque. Ce sont les moments que je préfère, car ceux que je comprends le moins. Mon Dieu ! Mais que fait-il là ?! Il n'est pas dans sa salle de bain mais bel et bien dans son lit, ou plus exactement sur son lit, à marmonner quelque phrasounette débile. Une vraie loque. Je bloque. Sale phoque ! J'te poque, vieux bloc en cloque.
- "J'dors pas..." tente-t-il de dire entre deux laborieuses respirations. La musique n'est pourtant pas très propice à la joie de vivre, loin s'en faut.
Mon auriculaire droit commence à manifester quelques signes de fatigue. La circulation sanguine ne se fait plus normalement, et mon doigt finira peu à peu par se glacer et se paralyser totalement. Quand je pense aux oiseaux, qui doivent traverser des pays entiers lors de leur migration... Leurs auriculaires, s'ils en avaient, se glaceraient en un rien de temps ! Mais le temps est venu pour moi d'aller me rouler une clope.
Je dors pas... Mes fesses, ouais ! Quelle misérable merde ! J'ai vraiment hâte que les gars lisent ce truc ! Les textes sont les plus beaux documents qui existent. Comment voulez vous expliquer tout ça dans une peinture ou une sculpture ? A moins de représenter un phoque croisé avec une limace fumant des joints et se dandinant sur une couette à 22h48 par un 31 décembre... Sans oublier tous les détails... Heu, le gars qui me fera ça, faudra que je le rencontre. Même une photographie ne ferait pas l'affaire. Elles représentent pourtant, preuves visuelles à l'appui, la scène dans une authenticité des plus déroutantes.
Des ronflements maintenant. Et mon téléphone qui miaule. Je réponds une imbécillité des plus imbéciles qui me passe par la tête. Le pauvre, il va rien capter, il doit déjà être bourré pour m'écrire un message... Encore un flic bon à enfermer... Et toujours ces ronflements incessants. Got a good reason for takin' the easy way out... It took me so long to find out, and I found out... Blablabla, on la connaît cette chanson. Day tripper, c'est pas mal, restons réalistes. Mais quand les ronflements se transforment en gémissements, là rien ne va plus. Faites vos jeux... Deux mille... La roue tourne. Deux mille au 18.
J'entends des voix maintenant. Oh mon Dieu, j'ai du apeurer le garçon avec mon texto. Technologie de merde, aussi. Hey, les gars, aidez-moi ! Il perd la tête. L'alcool le rend fou. Il ne sait même plus où il est !
C'est drôle, parce que depuis le début, je change sans arrêt d'interlocuteur. Tout devient confu-cius- et je ne sais plus à quel saint me vouer. Cette soirée se barre vraiment en couille. Mon imagination me joue des tours, elle aussi. 23h. Et il ronfle toujours. Que faire ? J'appréhende le moment du réveil, quand il me racontera l'histoire d'une autruche rampante qui prenait des taz, ou celle d'un immeuble gris qui lui parlait de Lao-Tseu. Vraiment... Je suis dans la merde.
La merde ? Mais c'est quoi la merde ? Les excréments ? On est dans les excréments ? Mais on peut pas dire ça ! Ah, sacré Monsieur Xie. Il nous aura bien fait rire lui aussi. La musique est insoutenable, je ne sais plus quoi faire ! Il s'étouffe, ou du moins, il suffoque. Son portable vibre, va-t-il se réveiller ? Le contraire m'en a tout l'air. Encore un message qui ne sera lu que trois plombes plus tard, quand il sera justement trop tard. Il vibre à nouveau, tandis que les gémissements ne cessent de monter en puissance. Aucune autre réaction.
Je suis désormais en mesure de constater que le studio règne dans un chaos indescriptible, digne de la nuit la moins post-analysable de toute une vie. J'espère seulement que personne n'aura la mauvaise idée de débarquer ici et de faire sonner cette alarme de paquebot pour réveiller le gars dans un sursaut atroce tant pour le côté psychique que physique de la situation actuelle. La configuration est floue, et les objectifs trop peu définis. Tel une vague esquisse sans avenir, le programme de ce soir me semble bien peu énergique. Pour certains du moins. Et si je dormais, moi aussi ? C'est une hypothèse tout à fait projetable dans l'avenir, compte tenu de la situation. Un rot entre deux soupirs, ça me parait raisonnable. C'est qu'il reste lucide, le garçon. Là je dis : chapeau. C'est pas souvent que ça arrive, ce genre de péripéties. Ah, tiens, il parle. Il me dit : "ouais, mais c'est bon, ok..." Alors... Parle-t-il à l'autruche ou à Lao-Tseu ? En tout cas, je ne pense pas qu'il soit bon pour moi de le savoir. Un petit morceau de Petit Saint Paulin ? Volontiers...
Il est des choses que tout le monde ne peut comprendre. Pour exemple ce texte. Faites-le lire à un cadre parisien dans le métro, vous ne ferez qu'empirer son état de stress. Faites-le lire à un adolescent bien dans sa peau, vous ne ferez que vous leurrer, car les ados bien dans leur peau n'existent pas, ha ha ha. Faites-le lire à une institutrice à la retraite, vous ne feriez qu'exacerber son côté sectaire et flicard, car elle ne saurait se concentrer sur le contenu pour privilégier la vérification de la mise en forme et des fautes d'orthographe. Faites-le lire à un agriculteur pendant la traite de six de ses vaches, vous ne feriez que prolonger la compression des pis de ces pauvres bêtes, tant l'homme peinera à lire parce qu'il n'aura pas ses lunettes. Faites-le lire à un enfant, vous ne feriez que le dégoûter des études supérieures. Faites-le lire à un ouvrier travaillant à la chaîne dans un abattoir, vous ne feriez que l'amener dans un état de furie tel qu'il ne serait prudent de vous attarder à ses côtés. La liste est longue. Ainsi en vins-je à conclure que ce texte doit être exclusivement réservé à une élite bien particulière : l'élite des australopithèques désaxés. Sans ses deux critères (australopithèque et désaxé) la personne ne peut comprendre. Les esprits trop cartésiens se perdraient dans un foutoir pareil, et les artistes n'y verraient qu'une pulsion cérébrale supplémentaire sans aucun intérêt pratique.
Toutefois, je persiste à dire que l'expression orale joue un rôle primordial dans le bon équilibre psychologique. C'est pour cela que, comme il est bien connu de tous, les muets sont tous fous. Mais là n'est pas le débat.
Le problème est que les ronflements continus m'inquiètent de plus en plus. Dois-je les interrompre en hurlant quelque hymne ou dois-je laisser libre cours à leur "franc-parler" ? Je pense que, par souci de cohérence, je vais choisir la deuxième solution.
Me voilà ainsi partie pour de nouvelles aventures, toutes plus palpitantes les unes que les autres. Je ne sais combien de temps cela durera, mais peu m'importe. Un petit verre de Schweppes ? Putain c'est dingue ce que l'orthographe de ce "mot" est compliquée. S, C, H, W, E, P, P, E, S. Honnêtement, c'est pas un peu ridicule tout ça ? Au lieu de l'écrire C-H-O-U-A-I-P-S, non, faut qu'il nous colle un double V, un double P, deux S et deux E. Non non, on ne dit pas "un double E", parce que là, les deux E ne sont pas côte à côte... Les S non plus, non non non non non...
Mon Dieu, il se fait tard, dans dix minutes nous sommes en 2006. Une petite clope ? Ou un petit pétard, pour faire passer ces courtes minutes ?... Une clope c'est moins chiant à rouler, mais c'est aussi moins bon... Je sais, pour faire passer ces minutes, quoi de mieux que de réfléchir à ce choix ?
Je divague, mon esprit se promène entre des rochers aux formes arrondies sur du sable mouillé et tassé sous le poids des vagues. Comme un petit ruisseau, j'avance doucement, caressant les lisses parois rocheuses sans me soucier du reste... Pourtant je devrais me soucier du reste... De ces ronflements, notamment. Ils durent, ils durent... dans six minutes, nous sommes en 2006, et je crains les messages innombrables, que ce soit sur mon téléphone ou sur le sien... Le réseau va encore être saturé, et après l'on s'étonne que les opérateurs soient pétés de thunes... Enfin, les opérateurs... Vous me comprenez. Quatre minutes... Le suspens se fait long. Les ronflements aussi. Deux minutes... C'est quoi, c'est la fin du monde ? Le bug de l'an 2006 ? Oui, 2006, deux mille + six. Une minute... Mon cœur bat fort. Un coup de fusil retentit au dehors. J'ai peur. Et le garçon dort toujours, quand soudain... Un deuxième coup de fusil !
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Il est minuit !
Quand je pense que des centaines de familles sont ce soir en train de se lancer des billes de papier avec des sarbacanes de carton et un chapeau pointu -turlu tutu- sur la tête... Pourquoi pas ? Mais là, c'en est trop. Il s'essouffle dans son sommeil. Minuit et deux minutes, et je l'entends qui remue sur sa couette en soupirant, mais toujours sans un mot. Je me dois d'agir.
Sous les décombres plutôt souples que je viens d'aménager avec les coussins alentour, toujours ce corps inerte, mais qui toutefois respire encore. Qui se remet même à ronfler. Rien ne le ramènera donc à la raison. Peut-être l'odeur de la beuh. Mais mon dos me l'interdit. Ce salaud m'a cloué sur cette chaise et m'empêche d'en sortir. Je peux voir d'étranges lueurs par la fenêtre. Cette soirée a donc décidé d'être la plus incompréhensible de toute mon existence. Après tout, il en faut bien une hein !
Après une nuit agitée à me dire que mes jambes font des zig-zag et à voir l'immeuble tourner sur lui-même, je me réveille à 5h54 du matin, ébahie de voir la vitesse avec laquelle cette nuit est passée. Il faut dire que je ne suis pas en mesure de me souvenir si j'ai dormi ou pas. Mais je pense que oui. Au final, qu'est-ce qu'on s'est fait chier ! Deux misérables taupes n'auraient pas fait pire. Certainement mieux même.
- "Ta gueule Iggy, tu m'encules !" lâcha-t-il en s'attelant à une tâche des plus acrobatiques : le rangement de l'appart'. Qui ne fut d'ailleurs pas sans dégâts : entre le boc de bière renversé sur la moquette souillée, les shoots dans divers objets traînant par-là, comme des coussins, couvertures et autres vêtements. Mais ce matin, il n'agit plus en bonobo, c'est-à-dire qu'il n'utilise que ses mains et sa voix pour accélérer les choses :
- "Putain de merde ! Au bout du compte t'avais roulé quoi à la fin du texte ? Une clope ou un pet' ?" me demanda-t-il d'une voix fatiguée. Une voix qui en avait déjà trop vu en trois heures de temps. On peut pas dire qu'il ait été des plus enthousiastes pourtant. A part vomir et se lamenter sur la douleur oppressante de son crâne, il n'a pas fait grand chose de la soirée, hormis se rouler des cônes. C'est d'ailleurs la première chose à laquelle il a pensé au réveil. Tandis que je me ruais sur l'ordinateur pour continuer ce récit pittoresque.
Iggy Pop c'est motivant comme musique. C'est d'ailleurs le seul son que l'on peut entendre, gentiment accompagné du bruit de mes doigts flirtant avec les touches de ce clavier noir. Quelques cris sourds de temps en temps, mais je ne m'inquiète pas. Il ne fait que "participer" à la furie de la guitare électrique lancinante de l'album.
- "Bon on fume un p'tit pet' et on va faire un tour dehors ?" me demanda-t-il. Il reçut un haussement d'épaules pour seule réponse. Cette idée me paraît être la bonne. Un peu d'air ne peut nous faire que du bien. Le chaos du local, bien que quelque peu post-modifié par le "rangement" de l'artiste, demeure tout de même gargantuesque. Incroyable qu'en si peu de temps l'on ai pu disperser tant d'objets sur une si petite surface. Lao-Tseu dirait que ça fait partie du jeu, qu'il faut laisser couler la rivière...
Une vibration de portable. La lecture est rude. Et sans intérêt. Au début tout ceci me semblait tellement surréaliste que je ne pensais pas en arriver à ce résultat. Mais la "soirée" n'est pas terminée.
Elle ne fait en fait que commencer. La musique a changé. Nous nous apprêtons maintenant à fumer ce joint, avant de prendre le volant pour de vraies aventures. Je ne sais encore trop bien lesquelles. Il commence à lire un bouquin de Bukowski, auquel je ne comprends rien. C'est comme ce que je disais plus haut, ce livre aussi est réservé à une élite, mais pas la même. Indéfinissable. C'est assez insupportable d'entendre à la fois le clavier, la "musique" et ce texte. Heureusement que le Chouaips est là pour me remonter le moral.
Atmosphère psychédélique démoniaque ! Je ne suis plus de ce monde. Les battements de cœur en fond sonore, non merci. Après ce film "Comme une bête", je ne supporte plus ce bruit. C'est l'histoire abominable d'un homme-singe qui se retrouve confronté aux aberrations de la société urbanisée. Il en perd la vie. The end of the résumé. Maintenant place au saxophone. C'est triste à mourir. L'enterrement de Tatie Daniel devait être plus joyeux, oh oui sûrement ! Plongé dans sa lecture, tel un coquillage recroquevillé dans sa demeure, il ne bouge plus, il ne produit plus aucun son (excepté la toux qui le prend de temps à autres, mais qui reste tout de même incroyablement modérée étant donné les circonstances).
- "Un dindon !" lui dis-je.
- " Un dindon qu'on égorge" me répondit-il d'un ton moqueur. "Whaff..." lâcha-t-il. Je ne sais pas comment je dois l'interpréter. Cette divinité qui le hante doit certainement jouer en sa défaveur, puisqu'il trouvait le moyen tout à l'heure de m'accuser de son état.
- "Hé hé héhéhé !" riait-il. Il aurait appris la détresse qui m'habite à chaque fois que j'enterre un mulot lâchement tué par mon chat qu'il n'aurait pas rit plus fort.
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Nous sommes donc partis en voiture faire un petit tour. C'est ainsi que nous nous dirigeons vers le centre ville. Puis, quand le garçon fut pris d'une excitation démesurée en posant ses yeux sur le panneau "St Malo", nous décidâmes d'en suivre le chemin. Après de longues virées dans les contrées les plus perdues de cette planète, en passant par Tintiniac, Le Vieux Bourg, en essayant de passer par Dol de Bretagne, sans oublier le mythique Château de la Bourbansais et le parc zoologique du même nom, dans lequel nous avons bien failli nous faire éjecter à coups de sabots de girafe, nous nous retrouvons enfin approximativement à St Malo intra muros. Tout ce chemin nous ayant pris au moins deux heures. Pris d'une faim sans commune mesure avec la réalité, nous cherchions vainement un endroit ou satisfaire nos envies. Puis nous décidons de marcher sur les remparts, histoire de se prendre pour des hiboux dominant l'océan... Quand mon poncho s'est envolé. Malheur !!! Maudite soit cette ville ! Mais tout ceci s'est très vite arrangé, n'épiloguons pas trop sur cette broutille.
Nous voici donc repartis pour de nouvelles aventures, après ce bol d'air frais et ces averses continuelles.
- "Tu conduis" me dit-il. Ok mec, je conduis, ça vaudra sûrement mieux pour tout le monde. Nous avons donc atterri au beau milieu de Dinard, sur le terrain de concours le plus beau d'Europe, à caresser ces mammouths de bestiaux musclés comme des troncs d'arbre.
- "Les chiens sont sympas ici" me lança-t-il, l'air ahuri.
Nous quittons cette ville pour nous rendre sur les hauteurs d'Erquy, en passant par les campings, et aussi, et surtout, par les éventuels endroits où l'on pourrait se mettre quelque chose sous la dent. Nous trouvons sur le port une sorte de restaurant. Nous décidons d'y entrer pour s'avaler des assiettes de frites à deux euros cinquante l'unité.
- "Bonjour ! Est-ce que vous faites à manger ?"demanda-t-il à la serveuse. Je le regardais l'air surpris. Nous sommes donc sortis, après avoir entendu la serveuse nous répondre par la négative. Elle a sans doute eu peur de devoir expliquer à son patron que deux énergumènes bourrés comme des barriques et démolis comme des ruines sont venus lui demander à manger, dans cet établissement où l'alimentation est le seul produit proposé à la clientèle. Désespérés, nous reprenons notre route vers le centre, où nous localisons une confiserie gracieusement ornée d'un père Noël de vitrine qui dandine du cul en chantant Jingle bells en boucle. Nous demandons donc une bonne livre de langues de chat, ce genre de saloperie qui vous détruit les gencives avant même la première bouchée. Après une courte visite à la jument perdue au fond d'une cahute de bois dans un semblant de pré, nous reprîmes la route pour Rennes city, où nous arrivâmes sans encombre (hormis pour les gencives). Les potes sont complètement perchés, et devant la désolation du spectacle qui nous attendait à l'appart', nous décidons de rendre visite à l'un d'eux dans un plus ou moins long temps.
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Après quelques joints fumés de la bonne manière et au bon moment, nous continuions de discuter avec les murs, n'entendant même plus leurs réponses. Normal, pensais-je, les murs ne parlent pas. Je dois encore entendre des voix, me dis-je. Ah mais oui, c'est le jeune qui me parle ! Ha ha, j'ai rien compris au film encore, il me parle de son whisky qu'il ne retrouve plus, en sirotant une bière et en me demandant à plusieurs reprises :
- "Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux un cendar ?" Je répondis par un non de la tête. Il ouvrit la fenêtre. Bonne idée, pensais-je, toujours assise sur cette même chaise désaxée (elle aussi) de son axe (logique) et, soit dit en passant, très casse-gueule. Il ressemblait à un druide, buvant une de ces potions magiques à la paille. Tout de même armé d'un briquet, me direz-vous. Oui, mais c'est pour stimuler les molécules et les faire s'entre-choquer.
- "Ca va aller" me dit-il, se voulant rassurant. Mais je n'étais pas rassurée du tout, loin de là. Un terroriste armé jusqu'aux dents (oui, les terroristes mangent peu de langues de chat) m'aurait fait le même effet. Ah... Bonté divine, les toilettes ! Vive les toilettes ! L'eau courante est une denrée rare, mais bien utile aux australopithèques. Le voilà justement qui veut prendre une douche. Après quelques cris-eux aussi courants- il cherchait des sapes à se mettre pour avoir l'air d'un garçon-propre-sur-lui, histoire de pas se faire à nouveau virer du restaurant, probablement.
La musique m'obsède, tandis qu'il s'enferme dans sa salle de bain miniature, pris d'une quinte de toux épouvantable. Ca me rappelle cette nuit, quand je l'entendais cracher ses poumons dans son sommeil entre deux rots. L'eau coule désormais violemment. J'espère seulement que la douche ne sera pas aussi longue que celle qu'il prit un mercredi matin avant d'aller en cours, tandis qu'un autre personnage et moi-même tentions désespérément de nous rendormir après ce réveil à la John Coltrane des plus virulents. Après quoi, ne retrouvant pas le sommeil, je décidai de lire à haute voix quelques pages en anglais de Las Vegas Parano à ce deuxième artiste déguisé en limace qui lui, ne me demandait intérieurement qu'une seule chose : du calme. Visiblement, ma lecture ne l'importunait pas plus que cela, mais malgré sa discrétion et sa politesse, je pouvais lire dans ses yeux quelques mots comme "va chier avec ton bouquin de merde, sale microbe, tu me pourris la vie !" Quand j'eus enfin compris le sens de ces mots, après quelques dizaines de minutes, je pris la route à destination de l'interrupteur. J'ai vraisemblablement brisé sa journée, pauvre garçon. Mais la douche était interminable, et je m'en excuse aujourd'hui, mais je ne pouvais pas rester inerte face à tant de bruit. Si j'avais eu un rat avec moi, je l'aurais certainement lâché sur le ventre du bonhomme pour qu'il aille lui lécher les dents, il paraît que ça fait sensation. Malheureusement la configuration était telle qu'il n'y avait à ma portée que ce livre de malheur.
Ca y est, j'ai compris comment manger les les langues de chat. Il faut juste éviter de les prendre avec les mains.
- "Hé ! Y'a un break qu'était marrant" me dit-il en sortant de sa douche, en enfilant ses chaussettes un pet' à la bouche.
- "Ca avance, c'est pas mal" lui dis-je en parlant de mon texte.
- "Et t'as pris une photo de moi mort sur le lit, si j'ai bien compris." Voilà ce que je reçus pour réponse. "Je vais être obligé de détruire cette preuve" a-t-il continué.
Après un délire de quelques secondes, il rit. Il m'a pourtant seulement balancé la salière pour je ne sais trop quelle raison, en m'avertissant que j'étais, selon lui, "stress". Il me raconte à présent l'histoire d'une amie à lui qui écrit tout le temps. Je ne vois pas bien le rapport avec le sel.
- "Mais Manue elle est complèt'ment barge, t'façon" me dit-il avant de mettre un peu d'ordre dans ses CDs, en produisant un bruit étrange avec sa bouche. Une sorte de bruit de rongeur, comme un lapin qui rumine, vous voyez le mix ?
- "A tes souhaits" lui dis-je.
- "Merci".
Il s'attelle maintenant à la cuisine. Des pâtes, sa spécialité avec le riz basmati. Mon estomac et mes papilles gustatives se réjouissent à l'avance de ce qu'ils vont probablement recevoir d'ici peu. En revanche, la vue de ce sel fin iodé Cérébos me coupe l'appétit.
Après un silence de mort d'environ une minute, le revoilà qui parle tout seul, en marmonnant des "c'est chelou" dans ses moustaches. Quel drôle de personnage tout de même.
- "Madame veut peut-être se bouffer une petite tomate en salade en entrée ?" me demande-t-il, d'un ton bourgeois.
- "Non merci" lui dis-je. Trop peu pour moi, la tomate me fait penser au sel ! "Je vais rouler un pet' !" lui dis-je, enthousiaste.
Au final, je ne l'ai pas roulé, mais à la place, j'ai mangé des pâtes. Délicieuses. On s'est remémoré la failli-perte de mon poncho, et le risque que j'ai pris en me jetant comme une furie sur un rempart trempé au-dessus d'une vingtaine de mètres de vide. Mais peu importe maintenant, j'ai dit plus haut qu'il ne fallait pas épiloguer sur cette broutille. Quelle est la suite des évènements ? What comes next ? Je me le demande, mais la soirée est loin de se terminer. L'on doit encore rendre visite à un énergumène dont j'ai déjà parlé plus haut, mais j'en doute.
]Etait-ce un soubresaut d'inconscient ou un jeu enfantin ?Ses pleurs avaient vraiment quelque chose d'effrayant[
Comment a-t-il osé souiller mon oeuvre ??! Quel culot ! C'est vrai que mes pleurs ont toujours ce côté flippant, pas comme dans les séries américaines ou les jeunes filles retiennent leurs larmes en se frottant les cils inférieurs avec leur auriculaire pour ne pas prendre le risque de faire baver leur mascara. C'est complètement différent. Les sons qui sortent de ma bouche ne sont pas les miens, ce sont seulement ceux d'un être qui m'habite dans ces moments de pur désespoir. Je ne lui ai pas donné de nom, je préfère m'adonner aux fantaisies de l'anonymat.
Cependant, fantaisie pour fantaisie, le garçon se mit soudain à jouer de la flûte de pan avec son boc de bière, tandis qu'il avait repris la lecture intensive de Bukowski. Il a vraiment l'air captivé. Impressionnant.
- "Je suis en train de me demander si je vais pas aller chercher F** en fait là, lui faire mater un film, j'crois qu'c'est c'qu'il lui faut" me dit-il. (Par souci de confidentialité, notez que tous les personnages extérieurs ne seront pas mentionnés par leur prénom). L'idée n'était pas mauvaise, mais de là à réaliser la prouesse qu'il nous fallait accomplir, à savoir reprendre le volant, dans de telles conditions... A proscrire. Pourtant, tout ici m'indiquait que nous étions en phase de nous mettre en route. C'est parti, mais pas comme prévu...
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Nous voilà donc arrivés chez l'énergumène, à Gaine d'Arc. La tête de caméléon que je vis dans la cage d'escalier me fit sursauter.
- "Ouais, c'est dur" dit-il, l'air vidé. Nous montons donc dans sa chambre, qui à ce moment précis ressemblait plus à une niche souillée, un peu comme si des dizaines de personnes étaient venues ici pendant quinze jours, à foutre un bordel indescriptible sans se soucier du plus important : qui va nettoyer ?
Après quelques mots par-ci par-là, (oui il faut avouer que le débit était assez faible, malgré les divers stimulants éventuels à notre disposition : pétard, tabac, thé...) nous reprîmes la route. Ainsi se termine la soirée pour moi, et au final, même si je me demande qui de nous trois a le plus souffert, je me dis que ça n'a aucune importance.
- "Quelle soirée de merde putain" dit F**.
- "Breuak" répondit le propriétaire des lieux. "Mais t'as vu la soirée que Kikekwa a passé aussi ?" poursuivit-il.
Je ne sais plus trop bien quoi faire, seul un engagement pris quelques heures auparavant me condamne à quitter ce pays.
- "Toi tu roules joint sur joint" dit F**, d'un air aussi envieux que blasé. Mais je sens que là, je les fais vraiment chier avec ce récit, et de toute façon, je me dois de partir. Maintenant.
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The end
Mets-y ton grain de sel !